« And down the river’s dim expanseLike some bold seër in a trance,Seeing all his own mischance—With a glassy countenanceDid she look to Camelot.And at the closing of the dayShe loosed the chain, and down she lay;The broad stream bore her far away,The Lady of Shalott.
Lying, robed in snowy whiteThat loosely flew to left and right—The leaves upon her falling light—Thro’ the noises of the nightShe floated down to Camelot:And as the boat-head wound alongThe willowy hills and fields among,They heard her singing her last song,The Lady of Shalott.«
Ce poème est l’inspiration de la toile ci-dessus de John William Waterhouse, The Lady of Shalott (1888), oeuvre illustrant la vision de la femme chez les préraphaélites. Ce mouvement artistique, né en Angleterre au XIXème siècle, représente une réaction contestataire à un art sclérosé par un conformiste qui trouverait ses origines dans l’académisme instauré par Raphael à la Renaissance. Les partisans de ce courant tendent à revenir à un art aux accents vifs et clairs des grands maîtres antérieurs à Raphael, recherchant sans cesse la simplicité dans leur représentation afin d’atteindre une vérité spirituelle. Leur art est porteur d’une morale non déguisée, sans pourtant écarter la visée esthétique qui leur est primordiale. Ces oeuvres s’adressent à l’entendement autant qu’au coeur, aux sens, aux émotions et la conscience de l’homme. Leurs sujets souvent très souvent féminins, incarnant des héroïnes déchues de tragédies ou personnages mythologiques au destin funeste.
L’esthétique de la femme préraphaélite est bien précise ; son corps est mince, sans forme, sa peau est d’une pâleur extrême. Son visage fin est cerné de cheveux roux, et autour de lui brille comme une aura. Elle représente un symbole, à la fois dans le choix du personnage qu’elle incarne mais aussi dans son attitude et son expression souvent proche de l’extase spirituelle.
The Lady of Shalott reprend toutes ces caractéristiques : la femme représentée, au bord de la mort, semble en proie à un ultime abandon, sa chevelure portée par le vent. La Dame de Shalott, condamnée à regarder le monde extérieur à travers son miroir, se voit maudite lorsqu’elle se risque à mirer directement Lancelot qui passait près de là. Sentant la mort arriver, elle emporte la tenture qu’elle avait tissée durant plusieurs années et embarque sur un bateau en direction de Camelot. Elle mourra avant d’atteindre le château, chantant durant son périple sa lente complainte. Malgré la malédiction, elle demeure actrice de son sort immédiat et incarne ainsi toute la force d’une femme qui prend en main son destin.
Une fois encore, la femme préraphaélite évoque beaucoup plus qu’elle n’y paraît. Les canons esthétiques préraphaélites étaient cependant sujets à grande controverse. Leurs détracteurs estimaient le choix des modèles comme impertinent, avançant qu’aucune de ces femmes ne représentait un idéal de beauté ou de désir, contrairement aux représentation plus académiques de femmes plantureuses.
Néanmoins, la beauté des figures préraphaélites se voulait être une beauté naïve, fragile, vraie, qui se trouve complémentaire de l’aura mystique de l’héroïne en question. Ces représentations formaient un tout — la femme angélique, femme sauveuse, femme symbole, ne se définit pas seulement par sa grâce et ses traits fins, mais aussi par ce qui la meut, par son destin souvent funeste, et par la morale qu’elle nous apporte. Elle nous fascine, nous émeut, nous enseigne et nous guide : voilà le véritable rôle de la femme pour les préraphaélites.
— S. Hame