Le Romantisme, courant artistique qui naît à la fin du XVIIIème siècle, se manifeste dans toutes les disciplines de l’art. Il marque un véritable renouveau dans la représentation, qui paraissait figée, au siècle précédent, dans un strict classicisme. L’œuvre d’art devient ainsi un moyen de transcrire les mouvements de l’âme, les émotions – cultivant ainsi le mystère, la poésie et même le mystique dans le choix des scènes représentées.
Les peintres romantiques transmettent un vision différente du monde; un monde coloré par les sentiments, baigné dans la lumière mystique de chaque individualité. Le féminin, sous le pinceau d’un peintre romantique, réside souvent dans les images qu’il évoque. L’idée de la femme peut ainsi s’exprimer dans les courbes d’un paysage ou le halo d’une lumière. Mais lorsque la femme est physiquement représentée, elle se trouve au service des émotions de l’artiste et répond souvent à certains canons bien précis.
Une célèbre citation de Baudelaire, dans le Salon de 1846 dit que le romantisme est «l’art de sentir». Dans un art dont l’essence se cristallise autour de l’individualisme, du sentimentalisme et du mysticisme, les figures féminines représentées sont destinées à marquer le spectateur et à inspirer son âme. Pour ce faire, ces femmes doivent toutes renvoyer à des idéaux et des passions qui transcendent et dépassent la simple description. Les choix de représentation sont essentiels pour que l’artiste mène à bien son entreprise. Tour à tour, les artistes peignent la figure de la jeune vierge, de la sœur, de la femme victime ou morte, de la pureté ou de la passion…
La toile de Girodet, Atala au tombeau, une huile sur toile datée de 1808, mesurant 2,07 mètres sur 2,67 et conservée au Musée du Louvre à Paris, se trouve être un parfait exemple de la démarche romantique.
Girodet (1767-1824), élève de David et héritier d’un style néo-classique, choisit pour cette œuvre – l’une des plus connues du peintre – un sujet inspiré de la littérature : le roman de Chateaubriand, Atala ou les amours des deux sauvages dans le désert. Cet ouvrage raconte l’histoire d’une indienne convertie au christianisme, Atala, qui, déchirée entre son amour pour Chactas et son vœu de chasteté, finit par se suicider. La scène choisie par Girodet, où la douleur de Chactas, serrant sa bien-aimée, atteint son point culminant, est spécifiquement destinée à faire « sentir » ce tourment au spectateur.
La jeune femme peinte par Girodet ne présente pas la rigidité d’un cadavre ; seules ses mains agrippent fermement un crucifix sur sa poitrine. Son corps, dont les formes sensuelles sont embrassées par un linceul blanc, semble léger et souple, comme flottant gracieusement dans la lumière divine qui l’inonde. Le peintre a choisi de représenter la pureté virginale d’Atala à travers une carnation laiteuse, bien que l’héroïne du roman soit une jeune indienne à la peau sombre. Ses membres ronds et immaculés sont représentés avec douceur, son visage serein et rayonnant semble irréel. L’idéalisation de l’image de la femme est ici évidente, servant les sentiments que dégage l’œuvre. Sa chevelure rousse ainsi que l’étroite étreinte de son amant érotisent discrètement une scène empreinte d’une pureté religieuse. La mise au tombeau d’Atala évoque celle du Christ ; elle incarne une héroïne touchante et pure, qui s’est sacrifiée pour s’éloigner du péché.
L’image de la femme dans le courant romantique évoque les grandes passions : la religion, l’amour, le combat, la terreur… Sa représentation est poétique et idéalisée dans le but de générer un sentiment bien précis. Souvent peinte dans des scènes sollicitant plus le cœur que la raison, la femme du romantisme est souvent coincée dans des clichés rivalisant de pureté et de grandeur.
Le site de l’académie de Versailles propose un axe d’étude détaillé sur l’image de la femme dans le pré-romantisme et le romantisme. Il s’agit là d’une excellente ressource qui lie sources littéraires, picturales et musicales en fournissant une pléiade de liens vers des extraits d’ouvrages, des articles ou des vidéos.
Le site éducatif du musée du Louvre est également un bon guide pour comprendre la vision particulière de ces peintres, et surtout la place particulière qu’occupe la femme dans leurs œuvres.
— S. Hame